Infos Solidarités

Publié le 

Kodiko crée les binômes d'insertion pour les réfugiés

Crédit photo : Kodiko

L’association Kodiko accompagne les personnes réfugiées dans leur insertion professionnelle et leur recherche d’emploi, en binôme avec un salarié bénévole, durant six mois. Présente dans 4 villes en France,Kodiko est implantée à Rennes depuis mai 2021. Pour mieux comprendre son fonctionnement, rencontre avec Samuel, salarié bénévole et la personne réfugiée placée en binôme avec lui. Soucieux de préserver son anonymat, nous l’appellerons « Moussa ».

Selon Le Robert, un réfugié est une personne ayant « dû fuir son pays afin d’échapper à un danger (guerre, persécutions, catastrophe naturelle) ». Dans le monde, en 2023, 89.3 millions de personnes ont été forcées de fuir leur foyer selon l’UNHCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. En France, 34.754 demandeurs d’asile se sont vu accorder le statut de réfugié en 2022 selon le Sénat. Alors, comment se passe l’insertion professionnelle pour ces derniers ? Exemple à Rennes avec Moussa, un jeune réfugié accompagné par l’association Kodiko

“Je viens de la République Centrafricaine”, indique d’emblée Moussa, qui a fui son pays, direction le Cameroun, lors de la troisième guerre civile centrafricaine en 2013. L’étudiant d’une vingtaine d’années a choisi de continuer ses études de “management projet” dans ce pays du golfe de Guinée. Placé sous le statut de réfugié, trouver un emploi était compliqué. “Même pour du bénévolat, on te dit que ce n’est pas possible”, confie-t-il. Après 8 ans sur place, 2 choix s’imposaient à lui : retourner dans son pays en guerre ou rester sans perspective au Cameroun. Par chance, il entend parler de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), qui offre aux réfugiés une proposition de réinstallation dans un nouveau pays. Dès lors, Moussa postule sans connaître la destination. 

Crédit photo : Kodiko

Beaucoup d’aide

Quelques mois plus tard, le verdict tombe, il partira en France. Après plusieurs auditions par l’Ofpra, l’office français de protection des réfugiés et apatrides, il obtient en juin 2021 son nouveau statut de réfugié. 3 mois plus tard, c’est le grand départ, transporté par l’organisation internationale pour les migrants (OIM), Moussa débarque à Paris. Directement, ce dernier est emmené dans la région de Rennes. Sur place, Coallia, groupe associatif facilitant le retour au pays des travailleurs migrants africains et malgaches, l’accompagne dans les démarches administratives. Et là, surprise : beaucoup d’aides sont disponibles pour les réfugiés ! “On n’était pas seul”, explique Moussa avec étonnement. Au-delà des démarches administratives, Moussa engage des recherches professionnelles pour mettre toutes les chances de son côté. Il postule donc à Pôle Emploi et à plusieurs associations comme Kodiko, dont il a entendu parler par son assistante sociale. 

Samuel : l’histoire d’un salarié bénévole

De son côté, Samuel, salarié bénévole pour Kodiko, a connu l’association de par son métier : le milieu bancaire. Souhaitant s’insérer dans le milieu associatif, il prit donc la décision de s’inscrire au programme et de participer à la réunion d’information. Objectif : expliquer le rôle des salariés bénévoles, avec à la clé,  une formation de 3h pour présenter les aides et outils mis à leur disposition tout en faisant un point complet sur le statut de réfugié. “Cette réunion donne un cadre, je ne savais pas ce qu’il y avait derrière le terme de réfugié”, souligne Samuel. Après cela, il effectue un atelier de 4 heures sur les codes sociaux en compagnie des réfugiés. Placés en binôme de 3 ou 4 personnes, cet exercice permet de travailler sur les différences culturelles et d’entamer la discussion entre les salariés et les bénévoles. À la fin de l’atelier, les binômes sont annoncés. Samuel reçoit donc un document sur la situation professionnelle, culturelle et sociale de la personne réfugiée qu’il devra accompagner : Moussa.

« Moi je l’ai juste orienté, il a fait le travail tout seul »

Samuel, salarié bénévole

Une (bonne) rencontre

Dès leur rencontre, Moussa et Samuel ont directement accroché. Ils ont beaucoup discuté pour apprendre à se connaître. Moussa fait d’ailleurs part à son binôme de la différence culturelle entre son pays d’origine et la France. “En France, il n’y a personne dehors, je me demande toujours où sont les gens. Dans mon pays, tout le monde est dehors. Pareil, quand je prends le bus, les gens n’osent pas s’asseoir sur les places vides à côté de quelqu’un. Tandis que là-bas, toutes les places sont prises”, explique avec stupéfaction Moussa. Au-delà des 250 heures globales d’ateliers proposées par Kodiko, Moussa retrouvait son salarié bénévole chaque semaine pour obtenir des conseils. Astuces, CV et lettre de motivation ont été les mots clés de ces rendez-vous. “Moi je l’ai juste orienté, il a fait le travail tout seul”, raconte Samuel avec joie. Pour son CV, la tâche n’était pas simple : le curriculum est différent en France. Constitué de 2 pages, il a dû le réduire avec l’aide des ateliers et de Samuel pour le rendre plus pertinent.

Un atelier qui a beaucoup aidé !

Par la suite, Moussa trouve un centre de formation pour travailler dans le milieu social, mais il doit se procurer un contrat d’alternance. Après 3 mois d’ateliers et plus d’une centaine de candidatures envoyées, aucune réponse favorable n’aboutissait. Selon Samuel, les employeurs restent frileux d’embaucher des personnes étrangères, compliquant les démarches administratives. “De même, beaucoup d’employeurs ne connaissent pas bien le statut de réfugié”, souligne Anna Kervoël, responsable du développement territorial de Kodiko Rennes. Heureusement, l’exercice “Speed meeting”, organisé au bout des 3 mois de formation, a beaucoup aidé Moussa. Cet exercice invite des salariés bénévoles à réaliser un entretien de 20 minutes avec les personnes réfugiées pour discuter des supports de présentation (CV, lettre de motivation, etc…) ou réaliser une simulation d’entretien. Pendant cet atelier, un salarié bénévole explique à Moussa qu’il pourrait parler de son statut de réfugié, afin de rassurer l’employeur sur sa situation. Par la suite, Moussa appliqua ces conseils et trouve, enfin, une alternance dans les ressources humaines. “Au fond je n’y croyais pas. J’avais une appréhension, mais je voulais faire tout ce qui était possible pour que ça marche”, reconnaît-il sans baisser les bras.

Et pour le futur ?

“C’est quelqu’un de très déterminé”, insiste Samuel en parlant de son binôme. Moussa, quant à lui, est très heureux du chemin parcouru. “Être dans un pays où les droits sont restreints c’est pas marrant, et quand je compare où je suis aujourd’hui, je suis très content”, raconte-t-il avec jubilation. Pour Anna, ce binôme est représentatif de l’association : “C’est un super beau parcours, et au-delà du projet professionnel, il y a un réel accompagnement social et culturel”. Malgré cet exemple, certains binômes ne parviennent pas toujours à obtenir un emploi pour le réfugié accompagné. Malgré tout, ce n’est pas un échec : “Il y a toujours des réussites car ça les aura quand même aidé à comprendre le milieu professionnel et à créer des relations”, explique Anna avec optimisme. De son côté, Samuel rappelle que c’est une expérience très enrichissante : “Je la recommande à tous”. Lundi 3 juillet, Moussa commencera donc son alternance et tient à saluer l’association : “Kodiko donne tous les outils nécessaires”. Le binôme essayera, à l’avenir, de garder contact. “Moi, je ne veux pas forcer Moussa, mais on s’est déjà croisé quelques fois en ville, l’occasion de se revoir et discuter”, confie Samuel pour clôturer notre entretien. 

Crédit photo : Kodiko

Bastien BAEHR