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Greenfib, l’art et la manière de la matière biosourcée

Cyr Dioré, cofondateur de Greenfib

Un matériau nouveau, alternative au plastique d’origine pétrolière : c’est la promesse de Greenfib. L’un de ses concepteurs, le vannetais Cyr Dioré, revient sur les développements en cours : levée de fonds, nouveaux partenaires, nouveaux produits. Chez Greenfib, l’essence du projet, c’est le sens.

Greenfib, c’est une matière 100% biosourcée qui se présente comme une alternative au plastique. Ses concepteurs Luc Menetrey et Cyr Dioré multiplient les initiatives pour l’inviter dans notre quotidien, des stylos Bic aux montures de lunettes. Une récente levée de fonds d’1 million d’euros va leur permettre d’accélérer leur développement.

Un brevet en 2011

Greenfib, c’est avant tout une histoire de rencontres. Celle de son inventeur, Luc Menetrey, opticien à Poitiers, avec Cyr Dioré, spécialiste du changement managérial basé à Vannes et son ami d’enfance Maël Jaffrelot, bien connu à Rennes (l’Eclozr, c’est lui). Au départ, en 2011, il y a ce brevet déposé par Luc pour une matière 100% biosourcée, baptisée Greenfib®. « Il s’agit d’un polymère haute performance qui se présente sous forme de billes incluant des matières naturelles, dont des fibres végétales et des charges minérales réduites en poudre. Il est associé à un composé existant, le Rilsan, à base d’huile de ricin, qui lui est fourni par Arkema, partenaire depuis les débuts de Greenfib® », soulignent ses concepteurs.

En juin 2017, ils embarquent à bord du Queen Mary 2 pour vivre l’aventure de The Bridge, cette traversée de l’Atlantique sous forme de séminaire pour penser le monde de demain. Convaincus de la pertinence de leur produit, comme alternative au plastique issu du pétrole, ils décident de créer leur société un an plus tard, en septembre 2018. Et il y a quelques jours, ils annoncent avoir réalisé une levée de fonds de 1 million d’euros pour financer le développement de leur activité, grâce au savoir-faire de Maël Jaffrelot en la matière. Cet apport est réalisé par des business angels qui partagent leurs valeurs : Thierry Delerue, Jocelyn Bernard, Didier Gorneaud, Jérémy Delerue et Frédéric Sanjivy. Il se double d’un prêt d’amorçage de BpiFrance à hauteur de 250.000 euros, soutenu par le Fonds Européen d’Investissement.

Le comité stratégique de Greenfib (de gauche à droite) : Maël Jaffrelot, Thierry Delerue, Cyr Dioré et Luc Menetrey, lors de l'opération The Arch, début juin

Des stylos aux lunettes

Objectif :  accélérer le développement des projets en cours. Car vous utilisez peut-être déjà ce produit sans le savoir, dans votre poche sous la forme d’un stylo, ou sur votre nez, via vos montures de lunettes ! En effet, Greenfib a conclu un accord avec Bic Grafic, l’entité BtoB du groupe spécialiste du cadeau promotionnel, pour proposer le stylo « superclip origin » dans cette matière. « L’idée, c’est qu’on arrête de distribuer des stylos, pour apprendre à offrir un cadeau », résume Cyr Dioré, qui confie que le Crédit Agricole du Morbihan ou l’entreprise Vital Concept ont ainsi fait le choix, à budget constant, de revoir leur politique de « goodies » en offrant moins mais mieux à leurs clients.

Côté optique, le réseau mutualiste Écoutez Voir distribue déjà sous la marque Oxo des montures de lunettes en Greenfib. « Une nouvelle marque sera dévoilée au prochain salon mondial de l’optique (Silmo) à Paris en septembre. Et avec l’appui d’un cabinet spécialisé, nous allons lancer notre propre collection de lunettes à notre marque en 2024, avec peu de modèles, une gamme sobre et durable signée Greenfib », confie Cyr Dioré, en rappelant que l’entreprise contribue aussi à « changer de regard sur la matière ».

Stylos Bic et montures de lunettess Oxo en Greenfib.

« Nous sommes convaincus qu’il faut inverser les priorités, en parlant de performance écologique globale et de cohérence économique durable. »

Cyr Dioré, cofondateur de Greenfib

Modèle non conventionnel

Et la manière, dans tout cela ? C’est justement le domaine de Cyr, qui revient avec ses équipes de la traversée de The Arch, dont nous avions parlé dans un précédent article, à retrouver ici. « La levée de fonds participe au développement quantitatif de l’entreprise, lorsque The Arch contribue à son essor qualitatif, par les réflexions partagées et les engagements qui en découlent », souligne-t-il, en reconnaissant que cette expérience fut « dure et intense » : naviguer sur un géant des mers comme ce paquebot clinquant a suscité chez de nombreux participants un certain malaise. « Cette prise de conscience, c’est justement l’un des moteurs de l’action à venir », veut croire Cyr Dioré, qui vient par ailleurs d’écrire un spectacle joué tout cet été au Théâtre Equestre de Bretagne, à la Gacilly (Morbihan), dans lequel il évoque avec poésie et conviction la nécessité de se reconnecter à Gaïa, la terre-mère, pour retrouver notre « Nature humaine ».

Côté organisation, Greenfib continue de cultiver un modèle différent, préférant s’appuyer sur des savoir-faire existants, notamment dans le domaine industriel avec son partenariat avec le groupe Arkema pour la fourniture d’une partie de la matière première, le Rilsan à base d’huile de ricin. Actuellement, l’entreprise réunit neuf personnes au quotidien, et une vingtaine de manière hebdomadaire, sans qu’elles soient toutes formellement liées par un contrat de travail à durée indéterminée. On l’aura compris, le modèle Greenfib est tout sauf conventionnel : « Nous sommes convaincus qu’il faut inverser les priorités, en parlant de performance écologique globale et de cohérence économique durable », conclut Cyr Dioré.

Et à ceux qui soulignent que sa matière fétiche est trop chère par rapport à ses concurrents plastiques, il rétorque, avec le sens de la formule qui le caractérise, qu’« elle est juste assez chère pour nous obliger à changer de modèle, pour qu’ainsi elle devienne chère à nos cœurs ». La manière, une fois encore.

Xavier DEBONTRIDE