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Les batteries de véhicules électriques s'inventent une seconde vie

Le banc de démantèlement d'un pack de batteries électriques, présenté par Nicolas Donval-Petres, de Talendi.
 
  • Le projet ABR vise à créer une filière pour optimiser la seconde vie des batteries électriques
 
  • Elles pourraient servir de solutions de stockage stationnaire pour les énergies renouvelables intermittentes
 
  • La PME quimpéroise Entech, l’entreprise adaptée Talendi, le constructeur Stellentis et l’Université Bretagne Sud collaborent à ce projet, soutenu par la région Bretagne, Quimper Bretagne occidentale et Rennes Métropole.

ABR Project (pour Automotive Battery Reuse), c’est le nom de code de l’initiative lancée en janvier 2022 par un consortium industriel régional pour plancher sur la seconde vie des batteries lithium-ion des véhicules électriques. Objectif : installer une filière complète de démantèlement et de réemploi. Car ces équipements complexes peuvent avoir une deuxième vie en mode stationnaire, à des fins de stockage d’énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque).

Projet partenarial sur deux ans 

Et si, comme les chats, les batteries avaient plusieurs vies ? C’est la conviction des partenaires du projet ABR (Automotive Battery Reuse), qui planchent, comme l’indique cet acronyme anglo-saxon, sur le réemploi des batteries de véhicules électriques. Ils ont présenté le 14 septembre, dans l’enceinte de l’usine Stellantis de Rennes- La Janais, les premiers résultats de cette initiative bretonne lancée en janvier 2022.

À la manœuvre, on trouve la PME technologique quimpéroise Entech, spécialisée dans les solutions de stockage et de conversion d’énergie électrique, le constructeur automobile Stellantis, l’entreprise adaptée Talendi, ainsi que des partenaires académiques (Université Bretagne Sud, à Lorient), le fablab industriel Excelcar, soutenu par le pôle de compétitivité ID4Mobility. Le projet, d’un montant de 1,066 million d’euros, bénéficie du soutien financier de la Région Bretagne et des collectivités Quimper Bretagne occidentale et Rennes Métropole, à hauteur de près de 500 k€.

« Nous voulons adresser l’ensemble de la chaîne de valeur, de la collecte des batteries à la réutilisation, en passant par le diagnostic, au travers de plusieurs démonstrateurs, à Quimper, à la Janais », explique Sophie Molina, ingénieure de recherches chez Entech en charge du projet.

« Ce projet va faire date, car nous vivons un basculement historique de l’industrie automobile avec la fin annoncée des véhicules thermiques. Ce projet innovant répond aux défis qui nous attendent, en contribuant à consolider le modèle économique du réemploi des batteries, en proposant des solutions qui émergent du territoire », se félicite Laurence Fortin, vice-présidente Economie, Territoires et Habitat du conseil régional de Bretagne.

Les partenaires du projet ABR, lors de sa présentation le 14 septembre à l'usine Stellantis de Rennes La Janais.

« C’est l’un des défis du projet ABR : il s’agit de répondre à des enjeux de sécurité, de technicité et d’industrialisation ».

Olivier Armbruster, directeur d’Excelcar

Concrètement, les travaux du consortium cherchent à valider la possibilité de prolonger la vie des batteries des véhicules électriques, qui sont systématiquement mises au rebut lorsque leur capacité de stockage est inférieure à 80% de leur potentiel. Ainsi, on estime à 12 ans la durée de vie en mobilité d’une batterie lithium-ion. Mais elle peut ensuite conserver jusqu’à 75% de sa capacité de stockage pour un usage stationnaire. Les experts ont sorti leurs calculettes : ils estiment que les batteries de seconde vie disponibles en 2030 pourraient atteindre une capacité de 140 GWh. Une puissance à comparer avec le marché du stockage stationnaire induit par la croissance des réseaux, estimé à 160 GWh/an en 2030, dont 35 Gwh/an en Europe.

Séduisant sur le papier, le réemploi des batteries automobile est toutefois complexe sur un plan technique. « C’est l’un des défis du projet ABR : il s’agit de répondre à des enjeux de sécurité, de technicité et d’industrialisation », souligne Olivier Armbruster, directeur d’Excelcar.

Banc de démantèlement et vieillissement accéléré

Chargé d’affaires chez Talendi, Nicolas Donval-Petres peut en témoigner. Avec deux collaborateurs de cette entreprise adaptée (ex-Bretagne Ateliers) spécialisée dans la sous-traitance industrielle, notamment automobile, il travaille depuis plusieurs mois au démantèlement des packs de batteries fournies par Stellantis. Il s’agit d’extraire chaque module (il y en a 12 par pack) et de recycler les composants annexes, tout en respectant des règles de sécurité très strictes. « Actuellement, il faut compter 4 heures à deux opérateurs pour réaliser cette opération assez technique », confie Nicolas. 

De leur côté, les chercheurs de l’Institut de Recherche Dupuy de Lôme de l’Université Bretagne Sud, planchent sur un procédé de diagnostic des batteries à l’aide d’un banc de vieillissement accéléré, qui sera opérationnel d’ici à la fin de l’année. Le démonstrateur Entech, à Quimper, qui intégrera les modules récupérés par Talendi, sera quant à lui mis en service courant 2024. De quoi vérifier, grandeur nature, si cette solution tient ses promesses dans la durée, pour stocker l’électricité produite de manière intermittente par les énergies renouvelables. Un mix énergétique indispensable pour accélérer la décarbonation de nos sociétés. 

Reste un écueil, de taille, dans cette volonté de créer une économie circulaire : ces fameuses batteries électriques sont pour l’instant très gourmandes en terres rares et autres métaux introuvables en Europe. La création des Gigafactories annoncées par l’Etat permettra de desserrer la dépendance à l’égard de la Chine. Mais la question de l’accès aux ressources, elle, demeure. Au moins, le prolongement de la durée de vie des batteries est une bonne manière de lutter contre leur obsolescence programmée

 

Xavier DEBONTRIDE